Recommandations pour réussir l'innovation

jpc 18/08/2010

A. Pour les directeurs et les administrateurs

Deux responsabilités principales incombent à qui dirige une organisation : la première est celle de maintenir le système tel qu'il est, et la seconde est de le modifier pour qu'il fonctionne mieux. Ce qui revient à dire que les dirigeants sont en même temps des agents de changement et des opposants à ce changement. Une grande partie des efforts doit consister en ce que le travail se fasse au moins aussi bien que par le passé, mais le bon leader passera aussi une partie de son temps à travailler pour le changement du système : il cherchera de meilleures façons de faire les choses, de nouvelles solutions aux vieux problèmes, et des réponses aux nouveaux problèmes auxquels son organisation doit faire face. Il lui faut donc connaître un tant soit peu les processus de changement. Même s'il n'est qu'un agent de changement occasionnel, il devra garder à l'esprit les 6 objectifs suivants, relatifs à l'innovation :

  1. Il doit savoir comment se produisent les processus de changement, c'est-à-dire comment ils se réalisent et quelles attitudes, valeurs et comportements entrent en jeu en tant que facteurs facilitateurs ou en tant qu'obstacles.
  2. Il doit savoir quelle est la personne qui, dans son système, aura les qualités requises pour les divers aspects du changement. Il devra par exemple identifier les innovateurs dans tel ou tel domaine, ceux capables d'adopter une nouvelle idée et de l'expérimenter avant les autres. Il devra aussi savoir qui sont les réformateurs, prêts à accepter de façon suivie une innovation, à l'appliquer systématiquement et avec le soin nécessaire en la défendant jusqu'à ce qu'elle fonctionne bien. Il devra bien sûr identifier les agents conservateurs, qui résistent aux innovations. Ces derniers donneront parfois de bonnes raisons de conserver les anciennes pratiques. Un bon directeur doit donner à ces différentes voix l'occasion d'être entendues avant que des décisions finales soient prises.
  3. Un directeur doit rester en éveil pour pouvoir remarquer de nouvelles pratiques potentiellement adoptables par son organisation. Il n 'a pas besoin pour cela d'être au courant de tout ce qui se passe dans son domaine, mais il lui faut consulter régulièrement les publications susceptibles de lui apporter ces informations.
  4. Un directeur qui serait tourné vers le changement aura le souci d'entretenir un esprit dans son équipe permettant l'expression de la diversité des points de vue dans un dialogue constant.
  5. Un directeur, quand il est un agent de changement, doit développer une vision systémique et globale du changement et de ses effets. Il doit connaître l'écosystème social où l'innovation se produit. Ceci implique de regarder chaque partie de son organisation comme concourant vers un objectif commun, et de considérer son organisation comme un sous-système de la société. Dans le domaine éducatif, il doit au moins garder à l'esprit le système éducatif national, et autres relations intersystémiques. Systémiquement, les mêmes innovations ne sont pas bonnes dans tous les contextes.
  6. Finalement, le directeur doit travailler constamment pour développer la capacité d'auto-renouvellement interne de son personnel et de son organisation, en le considérant comme un tout. Au moment d'engager et de former le personnel, la capacité d'être innovateur, catalyseur, impulsionneur et évaluateur, est à prendre en compte impérativement. Il doit laisser un espace d'expression toujours ouvert aux défenseurs du changement. L'expérimentation doit y être considérer comme une norme dominante du système. Pour que ce soit le cas, le directeur doit se préparer à encourager les personnes qui innovent, et ce même quand elles échouent, et il doit stimuler les liens externes même quand les bénéfices ne sont pas évidents pour lui-même ou pour son organisation.

B. Recommandations pour les agents du changement qui se trouvent à la base du système

La majeure partie des membres d'un système éducatif n'entrent pas en position de pouvoir ou d'autorité de façon à introduire des changements par leur propre décision. Cependant, ils peuvent être efficaces en travaillant dans le système de la base vers le sommet. Voici quelques points intéressants pour ceux qui se trouvent dans cette situation :

  1. Analyse de l'organisation comme un système. Quels sont ses objectifs, normes, sous-système principaux, et personnes-clés ?
  2. Avec cette analyse en tête, qu'il cherche des alliés actuels ou potentiels. Si on est préoccupé par un problème donné, il est probable que beaucoup d'autres partagent cette préoccupation, silencieusement ou même explicitement. Certains de ces alliés seront des agents de même condition, d'autres seront des personnes en dehors du système. Ils peuvent tous faire partie d'une équipe qui travaillent dans un esprit d'union.
  3. Qu'il construise son propre pouvoir d'expert. Connaître son innovation de façon totale, tant par ses points forts que par ses points faibles; qu'il sache si des évaluations ont été faites de cette innovation; quelles objections ont été soulevées par les directeurs, les professeurs et les étudiants, et qu'il ait des réponses prêtes pour ses objections.
  4. Qu'il soit persévérant, du moment que c'est pour une bonne cause. Beaucoup d'études démontrent que les agents du changement qui atteignent le succès sont ceux qui ont fait les plus grands efforts et qui ont persévéré le plus longtemps dans cette lutte. Il faut considérer comme un avantage le fait de se trouver à l'intérieur du système.
  5. Si on a un adversaire (généralement quelqu'un au dessus dans la hiérarchie), il faut analyser froidement la situation du point de vue de cet adversaire, lister le pour et le contre à partir de son angle de vision. Cet exercice aidera à comprendre comment l'adversaire peut être conquis ou contourné. Il peut aussi vous aider à mettre le doigt sur une erreur dans l'innovation proposée et qui aurait besoin d'être modifiée.
  6. Qu'il développe une appréhension du temps et de l'occasion et agisse stratégiquement : qu'il attende le bon moment et ne s'oppose pas de façon impulsive, à moins qu'il y ait déjà d'autres forces de son côté.
  7. Et enfin, mais ce n'est pas le moins important, qu'il soit prêt à ce que d'autres reçoivent une partie du mérite si l'innovation devient un succès. Les gens se sentent récompensés s'ils croient qu'ils ont fait quelque chose. Si l'innovation est perçue comme étant l'œuvre d'un seul, les autres auront peu d'enthousiasme. Cet aspect est aussi valable pour les directeurs qui sont trop soucieux de se préserver une image de chef.

C. Création d'une structure

La façon la plus concrète et sûre de promouvoir la continuité d'un processus d'introduction d'innovations dans une institution d'enseignement, c'est la création d'un structure d'appui pédagogique, sous la responsabilité d'une équipe d'éducateurs aux idées claires et modernes. Une telle structure peut prendre divers noms : Unité d'appui pédagogique, Service pédagogique, Centre de techniques pédagogiques, etc. L'important est qu'elle ait les fonctions suivantes :

  • Orientation des professeurs sur les questions d'organisation des disciplines ;
  • Orientation pédagogique dans le choix et l'application de méthodes d'enseignement-apprentissage ;
  • Orientation dans l'emploi des techniques d'évaluation ;
  • Orientation des étudiants sur les méthodes d'étude et d'apprentissage ;
  • Conseil auprès de l'institution sur la structuration des cursus ;
  • Organisation d'actions de formation pédagogique ;
  • Préparation de matériel d'aide et fourniture d'équipements ;
  • Évaluation de l'efficacité du système d'enseignement de l'institution.

Le travail de cette structure doit se faire en lien avec le service de l'institution chargé des relations de l'institution avec le monde extérieur, le but étant de chercher à résoudre les problèmes prioritaires. Cette structure doit devenir un vrai foyer d'innovation dans l'institution, rendant légitimes les efforts des dirigeants, des professeurs et des étudiants dans le sens de l'innovation, et le complétant.

Bibliographie

Cette page est fortement inspirée de :

Bordenave, Juan Días et Pereira, Adair Martins, Estratégias de ensino-aprendizagem, Petropolis: VOZES, 1977 (13a edição de 1993), p. 310-312

eux-mêmes inspirés de :

Ronald Havelock, The Change Agent's Guide to Innovation in Education, Englewood Cliffs, N.J., Educational Technology Publications, 1973, livre qu'on trouve en partie sur Google Livres :

http://books.google.fr/books?id=h-uIrSJeVyUC&lpg=PP1&ots=n3yrz8G3r6&dq=ronald%20Havelock%20guide&pg=PA13#v=onepage&q&f=false