L'intercompréhension à l'oral

L'oral et l'écrit

L'apprentissage de la compréhension de l'oral d'une langue inconnue est toujours globalement plus long et plus difficile que l'apprentissage de la lecture de cette langue. Contrairement au lecteur, l'auditeur ne maîtrise pas le flux d'informations. La raison est à chercher dans le fonctionnement de la mémoire à court terme (MCT). Les messages oraux et les messages écrits diffèrent profondément :

  • l'écrit discrimine davantage les morphèmes selon leur sens, ce que l'oral ne fait pas ;
  • l'écrit fait apparaître la segmentation en mots, quand l'oral enchaîne les sons d'un mot à l'autre ;
  • l'oral contient des informations spécifiques que l'écrit ne transcrit pas ;
  • et bien sûr le rythme de l'oral n'est pas maîtrisable par le récepteur quand au contraire c'est le récepteur qui choisit le rythme de l'écrit.

Cependant, il reste très logique d'apprendre seulement à comprendre l'oral d'une langue, ou de plusieurs langues simultanément, de même qu'on le fait à l'écrit pour une famille de langues comme les langues romanes par exemple.
Il se peut que vous sachiez déjà lire dans une langue de façon satisfaisante et que vous ne compreniez toujours pas quand quelqu'un la parle.
Comme pour l'écrit, il y aura deux situations d'apprentissages principales pour travailler : en interaction avec des natifs, et à partir de documents, sonores en ce cas.

Entendre les sons des autres langues

Les systèmes linguistiques utilisent une grande variété de sons et les combinent de façons diverses, à des fréquences sonores d’une hauteur et d'une amplitude propre à chaque langue. Chaque langue a sa phonologie. Si on n'a jamais entendu un système phonologique dans les premières années de sa vie, et que celui-ci soit très différent de celui de sa propre langue, les efforts pour comprendre une langue qui a un tel système devront être d'autant plus grands.
Il est logique dans ces conditions que nous ayons du mal à comprendre une personne qui parle notre propre langue avec la phonologie de la sienne, et c'est un argument en faveur de l'intercompréhension, puisque, si nous apprenons à comprendre la sienne, il y a des chances pour que nous le comprenions mieux encore lorsqu'il parle la sienne que lorsqu'il parle la nôtre.

On peut entrer par l'oreille dans un système phonologique nouveau, en écoutant simplement sans chercher à comprendre dans un premier temps. On peut aussi y entrer par la lecture en comparant les graphies et les sons entendus. Les surprises sont parfois importantes : imaginez un auditeur lisant “temps” et entendant [tã]. S'il est hispanophone, l'orthographe lui en dit beaucoup plus.

Quoi qu'il en soit, il faut apprendre à écouter et à entendre, c'est-à-dire apprendre à connaître et à reconnaître ce qui nous permet de comprendre.

L'accent des mots

Les phonèmes inconnus

Exemple : le fait que le portugais et le français aient des voyelles nasales rend difficile leur compréhension à l'oral pour les hispanophones, italophones et roumanophones, qui n'en ont pas dans leurs langues.

La vitesse

Le but est évidement de comprendre un locuteur qui parle sa langue à une vitesse normale, ce qui est impossible au début généralement. On peut donc recourir à la lenteur et demander au natif de parler lentement ou bien passer les enregistrements lentement. On peut aussi s'appuyer sur des sous-titres.

L'interaction

Dans une situation d'apprentissage de l'intercompréhension à l'oral, vous continuez à parlez votre langue, ou vos langues, avec des personnes de langues différentes qui continuent à parler la leur, ou les leur, et qui, aussi, sont censées apprendre l'intercompréhension. Il est donc tout à fait logique et nécessaire d'interagir : demander (dans votre langue) à vos interlocuteurs de répéter, de reformuler, reformulez vous-mêmes dans votre langue pour vérifier que vous avez compris, etc. et inversement, faites ce que vous attendez de vos interlocuteurs : qu'ils soient complaisants à votre égard, qu'ils fassent preuve de bonne volonté pour vous aider à comprendre ce qu'ils disent, tout en continuant à être authentiques.

Quand l'interaction est bloquée, il n'est pas interdit de recourir à l'écrit.

Où trouver des interlocuteurs ?

Dans les universités, les populations d'étudiants sont de plus en plus cosmopolites et il est possible de trouver un partenaire pour un tandem. Certaines universités ont organisé cette rencontre.

On peut également trouver un partenaire sur le Web et dialoguer avec lui sur un communicateur instantané muni d'une webcam.

La transcription

Le travail avec des enregistrements est conseillé pour l'apprentissage parce qu'on peut, à volonté, réécouter. Il a été remarqué que le travail de transcription, fait sur la durée, permet d'affiner son oreille pour l'écoute des sons d'une autre langue.

Qu'écouter ? Qui écouter ?

Il faut éviter les enregistrements faits pour l'étude des langues parce qu'ils sont en général inintéressants, mais aussi dit de façon peu naturelle et trop lente.

Il faut écouter des accents dialectaux variés en se rappelant que parmi les natifs d'une langue, un très faible pourcentage parle la langue standard. De même les vois de femmes, d'hommes et d'enfants doivent alterner dans les documents.

Genres

interactifs

  • dialogue en vis-à-vis
  • conversation téléphonique ou par communicateur instantané, avec ou sans webcam

passifs

  • conférences
  • cours
  • Radio, télévision
  • Ecrit oralisé

Où trouver des documents ?

Le Web aujourd'hui est une source inépuisable de documents sonores et vidéos.

Le vocabulaire

Pendant un temps assez long de l'apprentissage, il restera des éléments inaudibles, puis des éléments impossible à interpréter. Ce n'est pas dramatique parce que cet élément peut être reconstruit par le contexte sémantiquement, et même il doit l'être à partir des éléments connus qui l'entourent.

La segmentation

La segmentation en mots que l'écrit rend manifeste est loin de l'être à l'oral et l'est plus ou moins selon les langues. On ne peut repérer que les mots qu'on connait, d'où l'évidence qu'il faut le plus vite possible stocker dans sa mémoire un maximum d'éléments reconnaissables.

Le point de vue de l'auditeur

L'auditeur a-t-il un rôle et lequel ? D'une manière ou d'une autre, pour apprendre, l'auditeur ne peut pas être totalement passif, et il doit retirer de chaque expérience un progrès, si faible soit-il.
Il peut interagir, dans sa langue ou dans la langue du locuteur.
Il peut répondre à des questions posées dans sa langue qui lui facilitent la compréhension.

Logiciels et sites pouvant aider à la compréhension de l'oral

Bibliographie

  • Sandrine Caddéo, Marie-Christine Jamet, L'Intercompréhension : une autre approche pour l'enseignement des langues, 2013, Paris: Hachette, ISBN 978-2-01-155967-8, 192 p.

Les pages 87 à 107 sont consacrées à l'oral sous le titre “L'intercompréhension à l'oral : problèmes et solutions”.

  • Marie-Christine Jamet, Orale e intercomprensione tra lingue romanze, 2009, Collana: Le bricole 16, ISBN: 9788875432447, 210 p.

L'ouvrage regroupe 10 communications en trois langues (français, italien et espagnol) qui s'ouvre sur les perspectives de recherche lancées par C. Blanche-Benveniste dans le domaine encore peu exploré de l'oral et se conclut sur l'ouverture proposée par P. Balboni d'une intercompréhension à une intercommunication où l'on tienne compte du pôle de réception mais aussi du pôle de production. Trois communications sont centrées sur les problématiques phonétiques (L. Canepari, J. Murillo et P. Martin), deux sur les problèmes spécifiques de la réception de l'oral en intercompréhension et des implications didactiques (M.-C. Jamet et J.-M. Debaisieux), et trois autres sur les spécificités linguistiques en situation d'interaction (E. Sainz, S. Alvarez et C. Degache, V. Castagna).

  • L’intercompréhension orale en expérimentation, Marie-Christine JAMET. Le français dans le monde, juil-août 2005
  • Delplancq, V., Harmegnies, B., Piccaluga, M., Poch-Olivé, D. (2011), « Effet de la modalité perceptuelle (lecture vs. écoute) et de la connaissance du français sur le traitement de la transparence lexicale pour le couple français-portugais », Intercomprehension : learning, teaching, research, Meissner, Capucho, Degache, Martins, Spita, Tost (Eds), Giessener Beiträge zur Fremdsprachendidaktik, Linden (DE), pp. 184-220.
  • LA COMPRÉHENSION ORALE : UN PROCESSUS ET UN COMPORTEMENT, Le Français dans le Monde, Recherches et Applications. N° spécial Fév/Mars 1990 1 Marie-José Gremmo, Henri Holec.